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Le silence avait établi son règne sur le QG du conseil. Les patrouilles de Tueuses de service ce soir là étaient sorties et les autres Tueuses s’étaient retirées dans leurs quartiers. Le hall et le grand salon, d’ordinaire lieu de passage et de vie dans lesquels se croisaient sans cesse Tueuses et observateurs, étaient désormais déserts et plongés dans l’obscurité. Dans les longs couloirs du bâtiment, seules les lumières de sécurité éclairaient les murs blancs et le carrelage impeccable. Au hasard d’un corridor, on pouvait apercevoir par-ci par-là une lueur sous la porte d’une chambre ou d’une autre : probablement un observateur ou une observatrice relisant quelques notes avant de se coucher. Ou encore quelques Tueuses ayant décidé d’occuper leur soir de relâche par une désormais rare « soirée pyjama »

Mais il fallait grimper jusqu’au sommet de l’immeuble, au dernier étage pour trouver encore une pièce grandement éclairée malgré l’heure tardive. C’était la bibliothèque. L’immensité de la pièce et son organisation stricte et claire imposait immédiatement le respect à tout visiteur et le silence de mort qui y régnait, renforçait encore cette impression de sacré qui se dégageait de l’imposante bibliothèque du conseil. Giles avait particulièrement suivi l’implémentation de cette pièce et Willow ne pouvait que constater le travail formidable qu’il avait accompli pour en faire ce sanctuaire du savoir qui ne cessait d’émerveiller la sorcière.

Sauf ce soir. A moitié affalée sur la table, appuyée sur son bras gauche, les yeux perdus dans le vague, Willow semblait bien loin d’être dans son désormais célèbre « mode recherche ». Elle paraissait même plutôt prête à s’endormir d’une minute à l’autre. Ce qui finit par arriver.

Son visage glissa légèrement le long de son bras et son front heurta le coin d’un des nombreux livres qui recouvraient la table à laquelle elle était assise. Au contact rugueux du livre contre sa peau, la sorcière sursauta. Elle se secoua un peu et se retourna pour voir l’horloge accrochée au mur derrière elle. Il était désormais 23h45. Willow soupira. Elle était là depuis plusieurs heures maintenant et la fatigue commençait à se faire sentir sérieusement. Elle tenta de se replonger dans la lecture mais elle sentit de nouveau très rapidement ses paupières battre contre le sommeil qui les gagnait. Elle aurait du s’arrêter là pour ce soir et descendre se coucher. Mais pour des raisons obscures, elle ne parvenait pas à se décider à rejoindre son lit. Elle se demanda si Kennedy était rentrée. Elle n’était pas de service ce soir et ne s’était pas montrée très enthousiaste pour une soirée de recherche, contrairement à Willow qui était d’humeur très livresque. Les deux jeunes femmes avaient donc décidé de se séparer après le dîner, Willow occupant sa soirée à la bibliothèque et Kennedy… Ma foi, elle ne savait pas exactement ce que faisait sa compagne. Elle était sans doute sortie en ville avec Rona et Vi. Ou alors, les trois Tueuses s’étaient retrouvées dans la chambre de l’une d’entre elles pour partager une soirée pizza-télé et évoquer les souvenirs du temps où elles n’étaient encore que des potentielles, ou se remémorer leurs derniers exploits de Tueuses de démons.

Willow soupira de nouveau. Si tel était le cas, Kennedy pourrait bien y passer la moitié de la nuit : rien ne semblait pouvoir arrêter Vi quand les trois jeunes filles partageaient ce genre de soirée. Willow n’y voyait pas vraiment d’inconvénient : passer une soirée de temps en temps uniquement en tête à tête avec des livres n’était pas pour lui déplaire et s’avérait même être devenu une nécessité. Mais ce soir, elle se sentait trop fatiguée pour pouvoir profiter pleinement de ce moment de quiétude. Willow se sentit de nouveau glisser de fatigue vers la table et se secoua une nouvelle fois. Elle se redressa, reprit son livre, écarquilla les yeux et se remit à lire. De longues minutes passèrent qui lui semblèrent durer de longues éternités. Les mots dansaient devant ses yeux, formant des phrases qui résonnaient dans sa tête mais dont le sens ne parvenait plus jusqu’à son cerveau perdu dans les brumes du sommeil. Willow ne se rendit pas compte cette fois qu’elle s’endormait. Son bras gauche se replia et recouvrit le livre toujours posé devant elle. Son corps bascula doucement en avant et sa tête vint reposer dans le creux de son bras, ses longs cheveux roux recouvrant la peau pâle de son membre et les pages d’un vieux livre aux pages jaunies par le temps. La sorcière sombra dans une somnolence sans rêve.

Qui ne dura pas. Ou qui dura des heures. Elle n’aurait su le dire. Ce qu’elle savait, c’était qu’elle venait d’en être abruptement tirée par un gong. Willow sursauta légèrement avant de réaliser que c’était le gong de l’horloge qui venait de la réveiller. Sans se redresser totalement, Willow tourna ses yeux ensommeillés vers l’horloge derrière elle. C’était une grande horloge ronde à fond blanc, cerclée d’un métal mat qui lui semblait être du bronze. Elle était placardée sur le mur derrière Willow, suffisamment haut pour être visible de tous les points de la bibliothèque et semblait la dominer du haut de son surplomb. De grands chiffres noirs étaient pointés par des aiguilles argentées qui brillaient à la lueur des néons. Celles-ci indiquaient désormais minuit. L’horloge sonna lentement ses douze coups. Les célèbres douze coups de minuit pensa Willow. Pourquoi célèbre ? Elle était trop fatiguée pour s’en souvenir. Mais alors que les coups s’égrenaient un à un pour indiquer le passage vers un jour nouveau, derrière ses yeux mi-clos, Willow regardait les cases situées sous le centre des aiguilles et indiquant la date, tourner sur elles-mêmes pour avancer d’un jour. Ce lent mouvement dut la bercer car la sorcière se rendormit avant d’avoir vu les chiffres indiquer que l’on était désormais le 7 Mai.